Monénembo : “Quand la Guinée me donne envie de vomir”

Pas besoin de jouir d’un goût politique particulièrement délicat pour éprouver un haut-le-cœur à la vue du spectacle nauséabond qui se produit en ce moment en Guinée ! Ce pays qui a vécu 67 ans de tyrannie se prépare à s’offrir une autre, avec l’art et la manière qui sont les siens.Le veinard est un putschiste venu des casernes et qui, en principe devrait y retourner à la suite d’une transition brève, dûment codifiée. On avait -fort naïvement, c’est vrai- cru entendre tinter dans le discours qu’il avait prononcé, le 5 Septembre 2021, la cloche du renouveau. On avait pensé un moment à l’arrivée du messie, au jour de la rédemption. On s’attendait cette fois-ci à un rebond, au  bon départ après plus d’un demi-siècle de rendez-vous manqués. 

Nul doute que tout se serait bien passé si nous vivions dans un pays normal. Mamadi Doumbouya aurait gouverné deux ou trois ans en respectant scrupuleusement la charte sur laquelle il a solennellement juré puis, il aurait passé la main à un candidat élu. Il serait ensuite revenu, un ou deux mandats plus tard, et par la grande porte, plébiscité pour son honneur de soldat et pour son patriotisme, comme le fut ATT au Mali après la chute de Moussa Traoré. Ce grand geste aurait fait de lui une figure illustre de notre histoire nationale. Hélas, comme toujours chez nous, c’est la petitesse d’esprit qui a fini par l’emporter. Le voilà à présent,  qui marche sur les pas de Dadis Camara, poussé, tout le monde le sait, par la horde d’affamés qui grouille autour de lui et qui veut croquer le diamant tout de suite, pendant qu’il est chaud.

Dadis Camara avait lui aussi très bien commencé et s’il avait écouté sa conscience et non les cireurs de pompes  qui ont pris ce pays en otage, il serait aujourd’hui un homme d’Etat respecté, trônant aux sommets ou menant une paisible vie de retraitée. Si Mamadi Doumbouya ne le sait pas encore, Dadis lui, sait d’expérience, qu’il y a des conneries que l’Histoire ne pardonne pas. Mais bon, nous sommes en Guinée où le propre des dirigeants qu’ils s’appellent Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté, Alpha Condé ou Mamadi Doumbouya, c’est de rater leur destin.

Chez nous, c’est l’éternel recommencement des parjures éhontés et des transitions sans lendemain. Chaque foutriquet que la botte du hasard projette au sommet de l’Etat, veut ses propres institutions, sa propre républiquette et malheureusement, il y a toujours quelques idiots pour soutenir cela. Un patinage historique qui prouve combien  nous ne sommes justement pas un pays normal mais un pays décadent où les valeurs humaines sont quotidiennement foulées aux pieds, où les serments ne durent ce que durent les roses. Et que personne ne me parle de malédiction divine ou de guigne ! La tragédie guinéenne a une cause objective, une et une seule : c’est, on ne le répètera jamais assez, la fumisterie sans égale de nos élites, qu’elles soient universitaires, militaires ou religieuses. Les premiers sont sans courage, sans dignité aucune ; les seconds ne sont que d’incorrigibles froussards ; quant aux derniers, comme l’alcool leur est interdit (les marabouts, tout au moins), c’est aux pots-de-vin qu’ils se soûlent.

Ouvrez les yeux, Guinéens, regardez ce qui se passe dans nos quartiers et dans nos rues. Nos intellectuels sont devenus des griots et nos dignitaires, des mendiants. Regardez ces pauvres types danser dans la fange pour soutenir un régime illégal et malfaisant qui, ils le savent bien, conduit le pays au désastre ! Ces inconscients savent-ils qu’en agissant ainsi, ils crachent sur la charte de la Transition et  se foutent donc de la gueule du peuple ? Se rendent-ils compte qu’ils piétinent en même temps, les cadavres du Général Sadiba Koulibaly, du Colonel Célestin Bilivogui et de Docteur  Dioubaté ; qu’ils acclament haut et fort l’arrestation d’Aliou Bah et les disparitions de Foninké Mengué, de Billo Bah, de Saadou Nimaga et de Marouane Camara ?  Auront- ils après cela, le courage de se regarder dans une glace ?

Où est l’honneur, où est la foi, où est le patriotisme dans tout çà ? Jamais peut-être, une société n’est tombée aussi bas que la nôtre. Je vous assure, Guinéens, que si nos glorieux ancêtres savaient que ce sont des Guinéens de notre espèce qu’ils allaient engendrer, ils n’auraient pas demandé une descendance au bon dieu.

 

Thierno Monénembo