La profession d’avocat que j’exerce depuis 1998 m’a permis de voir des hommes, autrefois très puissants, réduits à leur plus petite expression à la suite d’un simple changement de régime un coup d’État.
Des anciens ministres et directeurs, des officiers de l’armée, de la gendarmerie et de la police incarcérés à la Maison Centrale de Conakry. Les gardes pénitentiaires les faisaient entrer et sortir de leurs cellules à des heures précises sans qu’ils n’aient leur mot à dire. Ils étaient pourtant habitués à ordonner et on exécute sans murmure.
Certains dormaient à même le sol dans leurs cellules, exposés aux moustiques, aux cafards, aux fourmis, à la chaleur ou au froid selon les saisons, sans compter les odeurs pestilentielles qu’ils étaient obligés de jour comme de nuit.
Ils avaient troqué leurs costumes-cravates et leurs grands boubous en bazin riche amidonnés contre de simples culottes et tee-shirts. Ils passaient leur temps à prier alors que certains d’entre eux étaient de “bons vivants”, des amateurs de bons whisky, de bons vins, de champagne et de jolies filles. Ils étaient de la jet-set de Conakry et de ses environs. Du jour au lendemain, ils sont tombés de leur piédestal.
En prison, ils attendaient les visites de leurs avocats, comme un musulman scrute le croissant lunaire après un mois de jeûne. Car leurs propres familles avaient des difficultés à leur rendre visite. Avoir un permis de communiquer pour leurs familles relevait du parcours du combattant.
Ces personnes ont subi ce qu’elles faisaient subir elles-mêmes à d’autres personnes ou ont fermé les yeux tout simplement sur les cas de violations manifestes des droits de l’homme à défaut de les justifier. C’est là qu’elles se sont rendues compte de l’importance cruciale la justice, du respect des droits de l’homme, de l’Etat de droit. Mais c’était trop tard. Ils étaient déjà dans la gueule du loup. Ils étaient sous la machine broyeuse de l’injustice.
C’est pourquoi, il faut faire très attention. Dieu n’aime pas l’injustice. Dieu est toujours du côté des faibles. Quand on est au sommet, il faut beaucoup faire attention à la chute. Celle-ci peut être fracassante. Mais on dit en soussou : “sii ba tuli mu na”.
Mohamed Traoré