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Mohamed Tall : « Le discours du PM Bah Oury, loin de rassurer, a plutôt inquiété nos compatriotes » (Interview)

Depuis l’Étranger où il est en séjour, l’ancien ministre de l’élevage et directeur de cabinet du président du parti UFR a accordé une interview au directeur de publication de Mosaïqueguinee.com au lendemain du discours de politique générale du gouvernement dirigé par Bah Oury. Mohamed Tall puisqu’il s’agit de lui se dit énormément déçu par les déclarations de l’actuel locataire du palais de la Colombe sur le sujet principal du retour à l’ordre constitutionnel. Pour lui, « La volonté de confiscation du pouvoir par le CNRD ne souffre d’aucun doute ». Mohamed Tall répond aux questions de Mohamed Bangoura.

Interview !

Mosaiqueguinee.com : Après le discours de présentation de politique générale du gouvernement, le PM Bah Oury a-t-il été convaincant ?

Mohamed Tall : Franchement, il n’a pas été du tout convaincant. Aucune mesure dé décrispation du climat sociopolitique ; pas de mesures non plus relative à la lutte contre la corruption ainsi que la relance de l’économie. Et surtout, le PM à énormément déçu sur le sujet principal qui est le retour à l’ordre constitutionnel. Sur cette question, il défend exactement le contraire de ce qu’il défendait il n’y a pas longtemps. Malheureusement, le PM a raté son RDV avec les Guinéens. Son discours, loin de rassurer, a plutôt inquiété nos compatriotes ainsi que tous ceux qui suivent l’évolution de la situation en Guinée.

Dans son discours, Amadou Oury Bah mise sur un taux de croissance revu à la baisse de 5 point à 4.2, au-dessus de la moyenne de l’Afrique. Quelle analyse faites-vous ?

Les prévisions budgétaires étaient basées sur une croissance de 5,8%; cette croissance a été revue à la baisse de 1,8 point environ, ce qui est très important comme baisse. Cette situation résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs, notamment :
– L’incendie du dépôt d’hydrocarbures avec ses conséquences collatérales, à savoir les pertes pour dés entreprises qui ont été impactées ; la pénurie de carburant ainsi que les dysfonctionnements engendrés dans la fourniture du carburant mais aussi de l’électricité;
– L’inflation que cet incendie a provoqué;
– La misère que l’incendie a provoqué pour plusieurs ménages qui ont perdu leur maison et se sont retrouvés du jour au lendemain sans abri…
Dire que nous sommes en matière de croissance au-dessus de la moyenne de l’Afrique importe peu. Ce qui est important, c’est ce qu’on aurait pu faire avec le potentiel qui est le nôtre, ce qu’on aurait pu réaliser si on avait instauré la bonne gouvernance, si l’administration avait été efficace et si on avait réussi à créer un climat de confiance pour les investisseurs… Nous avons l’habitude en Guinée de voir les autorités au plus haut niveau faire des comparaisons sur la situation de la Guinée. On a eu droit à «  dans tel nombre d’années, la Guinée dépassera le Nigeria, la Côte d’Ivoire… ». En attendant, la misère progresse au niveau de toutes les catégories de Guinéens. Je crois qu’il est temps de sortir de ces discours creux pour s’attaquer à l’essentiel, à savoir le retour à l’ordre constitutionnel.

S’agissant de l’incendie du dépôt d’hydrocarbures de Coronthie, le PM ne donne pas assez de détails sur le plan de reconstruction ? Qu’en dites-vous ?

Écoutez, le FMI a fait un effort pour soutenir la Guinée dont la situation a été jugée exceptionnelle. Le montant versé à la Guinée s’élève à 70 Millions de USD environ. Ce montant doit être affecté à certaines activités précises. Parmi ces activités, il y a entre autres: la décontamination du site; le financement de l’étude de faisabilité pour la construction d’un nouveau dépôt ; l’accompagnement des familles victimes en termes de soins mais aussi en termes de financement de certains projets… Si le PM n’en a pas parlé, il faudrait lui poser des questions sur l’utilisation que compte faire le gouvernement (le CNRD) de cet argent.

Le PM ne donne pas non plus de précisions sur le délai et en combien de temps ce programme de relance de l’économie jugé vague pourrait se réaliser. Il y a-t-il lieu de s’inquiéter ?

Oui bien sûr qu’il faut s’inquiéter. Avec ce qui ce passe dans ce pays, pensez-vous que c’est le moment pour une personne raisonnable qu’elle soit guinéenne ou étrangère d’investir en Guinée ? Vous-même vous ne le ferez pas car vous vivez les réalités du pays et en tant que journaliste, vous savez mieux que quiconque le calvaire que vit aujourd’hui cette profession. Des centaines voire de milliers d’emplois ont été détruits avec la fermeture brutale des médias. Dans ce contexte, même si on veut prendre des libertés avec les propos que l’on tient, on a du mal à promettre la lune aux guinéens.

Aucun délai n’a non plus été donné par le PM sur le retour à l’ordre constitutionnel. Les militaires ont-ils la volonté de quitter le pouvoir dans un délai raisonnable ?

Plus personne ne se pose cette question. Il est évident que la volonté de confiscation du pouvoir par le CNRD ne souffre d’aucun doute ne souffre d’aucun doute En ce qui me concerne, les derniers doutes ont été levés après son discours aux Nations-Unies qui était une véritable diatribe contre la démocratie. En plus, dans le même discours, Doumbouya a clairement indiqué que la politique (sous-entendant les élections) était la dernière de ses préoccupations. Dans sa hiérarchie des préoccupations, on avait le social; l’économique et le politique. Un chantier infini surtout pour un régime qui est supposé être transitoire. La volonté de Doumbouya ne souffre plus d’aucun doute.

En ce qui concerne le retrait des agréments et fréquences à trois grands de presse, Bah Oury brocarde : « la liberté de la presse ne veut pas dire une licence pour insulter », a-t-il raison de s’en prendre à la presse ?

Venant d’un PM comme lui qui s’est battu pendant de longues années pour défendre entre autres les droits et libertés en Guinée, je trouve que c’est grave. Celui qui s’attaque aux médias libres, s’attaque à la la liberté de la presse donc à la liberté d’expression et s’attaque donc à la démocratie. C’est inacceptable et les guinéens que nous sommes ont l’obligation de s’opposer avec la dernière énergie contre cette décision et de manière générale contre l’instauration de la dictature dans notre pays.

Quelle solution de sortie de crise ?

Des élections dans les meilleurs délais

 

Mosaiqueguinee.com: Mohamed Tall, merci.

 

Interview réalisée par Mohamed Bangoura